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Stars, Stripes, and Souvenirs #20 - Vivre à Washington au rythme de l'élection 2024

Le 5 novembre dernier, les américains ont élu Donald Trump 47ème président des États-Unis, au terme de plusieurs semaines d'une campagne plus intense et surprenante que jamais. Sans avoir à s'impliquer pour un camp, nous avons pu vivre à notre échelle cette saison électorale riche en rebondissements que nous ne sommes pas près d'oublier. Depuis les routes de Virginie et du Dakota du Sud jusqu'à la Trump Tower à New York, en passant par notre quotidien à Washington, nous partageons ici notre expérience personnelle de l'élection présidentielle américaine 2024.



C'est d'abord à distance, à travers les médias, que nous avons suivi les premiers mois de cette folle campagne, marquée par le retrait du président Joe Biden, deux tentatives d'assassinat contre Donald Trump, et la défaite de la vice-présidente Kamala Harris. Je n'ai pas raté un débat télévisé ou une soirée des spectaculaires conventions nationales organisées par chaque parti cet été. Tous ces événements ont été couverts par les principaux médias du pays. Chaque jour, par intérêt personnel et professionnel, j'ai aussi consacré beaucoup de temps à prendre des notes sur tout ce que je voyais et lisais sur les faits de campagne des deux candidats. Inès peut en témoigner ! À l'heure où j'écris ces lignes, il me reste encore des dizaines de pages de notes à synthétiser dans un document qui, je l'espère, apportera une réelle valeur ajoutée à ma future prospection professionnelle.



Juillet : le point de bascule de la campagne

Si la campagne a été relativement peu mouvementée lors des six premiers mois de l'année, le débat télévisé du 27 juin entre Donald Trump et Joe Biden a été un véritable point de bascule, mettant en difficulté ce dernier. Pendant plusieurs semaines, Washington a vécu au rythme des rumeurs de retrait - voire même de démission - du président actuel, au profit d'un candidat jugé plus flamboyant et en capacité de remporter la course. Puis, le 13 juillet, une première tentative d'assassinat contre Donald Trump, intervenue lors d'un meeting en Pennsylvanie, a fait entrer la campagne dans une phase beaucoup plus grave et inquiétante. Une semaine plus tard, le 21 juillet, Joe Biden a quitté la course à la présidence, laissant la charge à sa vice-présidente Kamala Harris de mener une campagne éclair aux enjeux exceptionnels. Le mois de juillet a ainsi été un véritable ascenseur émotionnel qui semblait ne jamais s'arrêter, mettant à rude épreuve les nerfs des américains. Jamais une campagne présidentielle n'avait connu de tels rebondissements en si peu de temps.


Un contexte sécuritaire de plus en plus tendu

La deuxième tentative d'assassinat visant Donald Trump sur un terrain de golf de Floride le 16 septembre dernier a achevé de renforcer les craintes autour de la sécurité des candidats et du scrutin. Un durcissement du climat sécuritaire que nous avons rapidement ressenti à partir de la fin du mois de septembre. La Maison Blanche s'est alors retrouvée entourée d'immenses barrières tenant à l'écart le public. Des espaces sécurisés pour la foule et les médias ont commencé à être construits au Lafayette Park. Ils seront utilisés pour la parade présidentielle qui aura lieu à l'issue de la cérémonie d'inauguration du président en janvier prochain.



Lors de notre passage à New York début octobre, nous avons aussi remarqué que les contrôles de sécurité menés par les agents du Secret Service à l'intérieur de la Trump Tower avaient été renforcés.



De la rue à nos rayons, l'élection s'est progressivement imposée partout

Au-delà de ces aspects sécuritaires, l'élection s'est également imposée dans la rue, nos rayons et sur les routes de nos récents périples en Dakota du Sud et en Virginie.


L’une des incarnations les plus visibles et répandues de la campagne a été les yard signs. Ce sont des petits panneaux plantés dans les jardins des maisons qui affichent ouvertement les préférences politiques de leurs habitants. Ils ont été popularisés au XXe siècle avec l’essor de la publicité politique de proximité et font désormais partie intégrante du paysage électoral américain. Chacun peut s'en procurer en ligne, auprès des boutiques officielles de chaque campagne, ou dans des magasins spécialisés. À Washington, bastion très pro-démocrate, il a été impossible pour nous de croiser un panneau Trump, alors qu’en Virginie, nous avons pu en apercevoir. L'État a failli basculer côté républicain cette année.



Parfois drôles et créatifs, ces yard signs pouvaient prendre des formes variées et originales. Côté Harris, on pouvait y lire des slogans féministes ou des messages parodiant certaines phrases polémiques du camp républicain, comme celle de J.D. Vance sur les "vieilles filles sans enfants avec des chats". Côté Trump, on trouvait souvent une rhétorique plus musclée, comme "Kamala, c'est le crime" et "Trump, c'est la sécurité".



Pour nous, Français, voir ces pancartes politiques s’étaler dans les rues, comme dans les films, et ce, pendant plusieurs semaines, était surprenant. En France, nous n’avons pas vraiment cette culture de l’affichage politique à domicile. Mais aux États-Unis, la campagne ne se cache pas : elle s’affiche, s’assume et se vit jusque dans son jardin !


Le merchandising électoral a fait son entrée dans de nombreuses boutiques

Les rayons de nos boutiques préférées ont également accueilli dès le mois de septembre du merchandising original autour du thème de l'élection ou supportant une campagne. Voici un aperçu de ce que nous avons déniché :



  • Des biscuits pour chiens aux couleurs des symboles animaliers républicains (l'éléphant) ou démocrates (l'âne) - The Dog Park (Alexandria)

  • Des chocolats incitant à voter - Red Barn (Alexandria)

  • Une édition limitée Churn Out The Vote d'une glace Ben & Jerry's (délicieuse), finançant pour chaque pot vendu des efforts de mobilisation d'électeurs - achetée à Safeway

  • Des t-shirts, vêtements pour bébé, chaussettes, casquettes, maniques, pins et stickers soutenant Kamala Harris - vus à Urban Dwell, White House Gifts, Shop Made in DC, et Shop Made in VA

  • Une splat ball peu flatteuse à l’effigie de Trump - vendue à Urban Dwell

  • Des t-shirts et torchons refusant de choisir entre les symboles démocrates et républicains, préférant plutôt soutenir l'hippopotame (mascotte de notre ancienne université GWU), les chats et les chiens, ou les cocktails - aperçus à GW Campus Store et The Old Town Shop (Alexandria)



À Washington, le merchandising pro-Harris était omniprésent, à tel point qu'un article d'Axios évoquait en septembre une véritable "Kamala-conomy". En revanche, nous avons pu croiser en Virginie et en Dakota du Sud (un État conservateur), des "Trump shops". Il s'agit de boutiques de bord de route gérées par de fervents militants de Trump et qui proposent exclusivement des articles de soutien au candidat, comme des casquettes "Make America Great Again", des t-shirts, ou des pancartes. Elles servent de points de ralliement pour ses partisans.



Au quotidien, l'élection s'est invitée à mon bureau, car chaque entreprise avait pour obligation de rappeler à ses employés les règles du scrutin à Washington. Les autorités locales ont aussi lancé une campagne de publicité massive, sur les bus, appelant à voter le 5 novembre.



Un système électoral différent

Différentes pancartes, soutenant tel ou tel candidat local, ou une réforme particulière, avaient aussi été placardées aux quatre coins de la ville. En effet, aux États-Unis, le jour de l’élection, les citoyens votent aussi pour une multitude d’autres scrutins locaux et nationaux, comme l'élection de membres du Congrès, des gouverneurs, des maires, des shérifs, des juges. Ils votent aussi pour des référendums locaux sur des questions variées, telles que la légalisation du cannabis ou la hausse du salaire minimum. Cela explique la longueur impressionnante des bulletins de vote, bien plus complexes qu’en France !



Il n'était pas non plus rare de croiser dans la rue, au mois d'octobre, des mail voting boxes, comme celle-ci au pied de la Georgetown Neighborhood Library. Ce sont des boîtes de dépôt sécurisées pour le vote par correspondance, où les électeurs peuvent directement glisser leur bulletin après l’avoir rempli chez eux. Ce système fluidifie la participation en évitant les longues files d’attente le jour du scrutin et en garantissant que chaque voix peut être déposée en toute sécurité, même sans passer par la poste.



Ce système peut nous paraître très surprenant, tant il contraste avec notre culture de vote en personne, le jour du scrutin. Pourtant, comme je l'ai appris dans l'exposition Voting by Mail - Civil War to Covid-19 du National Postal Museum, le vote anticipé, qui inclut le vote par correspondance, a des racines historiques profondes aux États-Unis. Introduit au XIXème siècle dans certains États dès la Guerre de Sécession pour permettre aux soldats de voter, il a évolué pour inclure de nombreux types de vote anticipé. Ils diffèrent selon les juridictions de vote et sont de plus en plus populaires depuis la pandémie de Covid-19.



Quand l'élection s'invite même dans l'art public et à Halloween

À la fin du mois d'octobre, les enjeux de l'élection se sont retrouvés au coeur d'une controverse locale autour d'une oeuvre d'art public éphémère installée face au Capitole, sur le National Mall. Cette oeuvre, retirée depuis, représentait le bureau de Nancy Pelosi, ancienne présidente de la Chambre des Représentants lors de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, recouvert d'une crotte en bronze. On pouvait lire sur une plaque un hommage ironique "aux courageux hommes et femmes qui ont pénétré dans le Capitole des États-Unis le 6 janvier 2021 pour piller, uriner et déféquer dans ces lieux sacrés afin de renverser une élection." Elle ajoutait : "le président Trump célèbre ses héros du 6 janvier en les qualifiant de “patriotes incroyables” et de “guerriers”. Ce monument témoigne de leur audacieux sacrifice et de leur héritage durable." L'artiste mystérieux à l'origine de l'oeuvre voulait sans doute alerter sur les dangers des actions de l’ancien président, à l’approche de l’élection. Comme je vous l'expliquais ici, la sculpture n’a pas fait l’unanimité. Si elle a attiré des centaines de curieux, ses détracteurs ont critiqué son mauvais goût et son emplacement sur le National Mall, considéré comme sacré. Si bien que la sculpture a même été vandalisée en pleine nuit par des inconnus, alimentant ainsi un peu plus un véritable feuilleton quotidien dans la presse locale.



La campagne s'est même mêlée aux célébrations d'Halloween, grâce à des habitants créatifs qui ont, par exemple :

  • Habillé leurs squelettes de t-shirts des deux camps,

  • Revisité leur yard sign aux couleurs d'Halloween,

  • Sculpté des citrouilles au nom de Kamala Harris.

Des touches d'humour bienvenues, alors que la campagne est devenue de plus en plus agressive et tendue dans sa dernière ligne droite.



Un meeting au pied de la Maison Blanche

Alors que l'Election Day s'approchait à grand pas, j'étais frustré de ne pas avoir pu assister à au moins un événement de campagne. En effet, la capitale, largement acquise aux démocrates depuis des décennies, n'est pas considérée comme un "swing state" pouvant basculer ou apporter une réserve importante de grands électeurs (3 au total y sont attribués). En raison du système électoral américain reposant sur un collège électoral depuis la fondation du pays, la campagne s'est donc principalement concentrée dans 7 swing states qui ont été décisifs. Habiter ces États en pleine saison électorale, c'est être assailli de coups de téléphone, SMS, publicités politiques et courriers de chaque campagne.


Ma curiosité a donc été poussée au vif lorsque j'ai appris que Kamala Harris organisait, une semaine avant le jour du scrutin, un meeting dans le parc de l'Ellipse, situé entre le Washington Monument et la Maison Blanche. Ce fut le seul événement de campagne qui s'est tenu à Washington avant "l'Election Day", et il a mis ma patience à rude épreuve. En effet, j'ai dû attendre 3h30 et parcourir une file d'attente monstre et jamais vue ici, avant de pouvoir entrer dans le site du meeting.



Dans la file, j'ai croisé de nombreux vêtements aux couleurs de la campagne, comme le chapeau caméo "Harris Walz", qui a été l'un des emblèmes des démocrates cette année. Il y avait aussi des militants brandissant des pancartes anti-Trump, ou proposant de faire du porte-à-porte dans des États clés le weekend suivant. Plusieurs marchands - non-officiels - vendaient aussi du merchandising à l'effigie de Kamala Harris. L'ambiance était détendue, même si l'impatience grandissait (tout comme la file qui s'étendait à perte de vue !). La playlist très rythmée diffusée par les organisateurs a aidé à tous nous faire patienter.



À 19h, près de 30 minutes avant le discours de Kamala Harris, j'ai (enfin) pu entrer dans le site du meeting. Il n'avait pas été choisi par hasard. En plus d'avoir la Maison Blanche en toile de fond, l'Ellipse a été le lieu où Trump avait rassemblé ses partisans les plus fervents avant l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021. C'était très impressionnant de pouvoir vivre un tel rassemblement à deux pas du Washington Monument et du palais présidentiel. Des drapeaux américains et des pancartes "USA" ou "Freedom" - le thème de la liberté étant cher à Harris - étaient distribués aux participants. D'immenses panneaux "Freedom" avaient d'ailleurs était disposés tout autour de la scène, où se trouvait le pupitre. D'importantes réserves d'eau et de snacks avaient aussi été mises à disposition par les organisateurs.



Peu après 19h30, une chanteuse est venue interpréter l'hymne national, que l'impressionnante foule présente a repris à l'unisson. À quelques secondes de l'arrivée de Kamala Harris, l'ambiance était électrique parmi les spectateurs. La majorité d'entre eux étaient jeunes, sans doute en âge de voter pour la première fois. Kamala Harris est ensuite montée sur scène, au son de sa musique de campagne (Freedom, de Beyoncé feat. Kendrick Lamar), et dans une ambiance survoltée. La vice-présidente, que j'ai surtout pu apercevoir dans les écrans géants, a repris prendant 30 minutes ses principaux messages pointant les dangers de Donald Trump, ainsi que certaines mesures qu'elle aurait souhaité faire adopter une fois élue. J'ai vécu là un moment très spécial dont je me souviendrai longtemps ! Ce doit aussi être le cas des 75 000 personnes (contre les 20 000 personnes attendues initialement par les organisateurs) venues assister au meeting. La plupart n'ont pas pu entrer dans l'Ellipse et ont donc écouté le discours de Kamala Harris depuis les abords du Washington Monument.


L'Election Day est arrivé

Une semaine plus tard, le mardi 5 novembre, nous étions enfin arrivés au terme de plusieurs mois d'une campagne exceptionnelle dans tous les sens du terme. Ce jour-là, j'ai décidé de m'immerger pleinement dans l'atmosphère du centre-ville, tout près des lieux de pouvoir, pour en saisir le pouls au maximum. Les alentours de la Maison Blanche étaient alors étrangement calmes et silencieux, en dehors de la présence de quelques reporters réalisant des duplex. Il n'y avait pas de manifestations ou de discours militants, comme cela arrive régulièrement du côté du Lafayette Park.



Un calme, du moins en apparence, qui contrastait avec l'installation de nouvelles barrières autour de la Maison Blanche, du Lafayette Park, du Trésor, du Eisenhower Executive Building, et du Capitole. Les autorités craignaient en effet des risques de débordements et de violences en cas de victoire de Kamala Harris. Elles avaient anticipé plusieurs scénarios et étaient sur le qui-vive, tout comme plusieurs commerces de la zone ou de Pennsylvania Avenue, l'artère qui relie la Maison Blanche au Capitole. Plusieurs jours avant le scrutin, ou seulement quelques heures avant la tombée de la nuit de l'Election Day, près d'une vingtaine de commerces et restaurants s'étaient barricadés.



Sur une note plus légère, de nombreuses entreprises américaines, nationales comme locales, ont proposé des offres spéciales à l'occasion de l'Election Day. Par exemple, Uber et Lyft proposaient des réductions sur les trajets vers les bureaux de vote, Krispy Kreme offrait un donut gratuit aux personnes montrant leur sticker "I voted", et plusieurs restaurants et bars proposaient des réductions aux personnes présentant ce même sticker. La plupart des écoles étaient d'ailleurs fermées ce jour-là, afin de faciliter les opérations de vote et simplifier la vie des parents, qui avaient le droit de s'absenter de leur travail temporairement s'ils votaient en personne.


De nombreuses enseignes mettaient aussi à leur carte des "Election specials", comme :

  • Une Election Mini Box chez Astro Donuts,

  • Des décorations à l'effigie de différents présidents et cocktails originaux chez Barrel (bar),

  • Des cocktails et mets spéciaux chez Union Pub, un bar emblématique du quartier du Capitole, qui remporte selon moi la palme de la créativité. Le soir de l'élection, on pouvait y goûter des "Kamala is Brat Special" (une saucisse bratwurst avec choucroute et moutarde), un "They're Eating the Dogs" (une gamelle de mini corn dogs), ou y boire une "Coconut drink" et un "They're Drinking the Cats" (un cocktail servi avec une paille en forme de chat). Tous ces noms étaient inspirés de phrases de la campagne flatteuses pour Kamala Harris et moqueuses vis-à-vis des républicains.


Le soir de l'élection, comme ce fut le cas lors des soirées de débats télévisés, des dizaines d'établissements de la capitale ont organisé des "watch parties". Si de nombreux établissements étaient non partisans, certains revendiquaient leur soutien à un camp (je n'ai vu qu'un seul bar supportant publiquement Trump à Washington). Ils installaient des télévisions aux quatre coins de leur salle pour permettre à leurs clients de suivre les résultats, tout en profitant de cocktails, offres et mets spéciaux. Cela fait partie de la culture ici, dans la capitale, même si l'ambiance morose, en raison des résultats, ne nous a pas incité à nous y attarder. Nous avons ainsi terminé la soirée avec une pizza à regarder CNN dans notre chambre.



J'espère que cet article vous aura permis de plonger, à travers notre regard, dans l'intensité de la saison électorale américaine qui vient de s'achever. Nous sommes ravis d'avoir pu la vivre à notre échelle, malgré les surprises et les moments inattendus qu'elle nous a réservés. La prochaine étape est désormais l'Inauguration Day, la cérémonie d’investiture du président Trump sur les marches du Capitole, prévue pour le lundi 20 janvier. Cette journée s’annonce elle aussi mémorable !

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